Les ingénieurs SNCF utilisent depuis de nombreuses années des modèles mathématiques pour simuler le comportement dynamique de la voie ferrée. Ces modèles ne permettent pas de prendre en compte de grandes portions de voie et sont de plus très réducteurs quant à la modélisation du ballast, la couche de graviers située sous les rails des chemins de fer. C'est pourquoi SNCF Innovation & Recherche a fait appel à des chercheurs du CNRS et de l'Insa Strasbourg1, spécialistes de la propagation des ondes dans tous types de milieux et à différentes échelles. Ensemble, ils ont mis en évidence qu'une grande partie de l'énergie produite par le passage d'un train est piégée par le ballast. Leurs travaux, publiés dans le numéro de novembre de la revue Computational Mechanics, montrent que ce phénomène de piégeage, très dépendant de la vitesse du train, pourrait être à l'origine d'une dégradation accélérée du ballast des voies de chemin de fer.
Pour comprendre le comportement de la plateforme ferroviaire lors du passage d'un train, les ingénieurs SNCF ont aujourd'hui deux options pour la prise en compte du ballast : une modélisation fine des interactions entre chaque « grain » ou une modélisation plus simple du ballast, représenté comme un ensemble homogène et continu. Si la prise en compte des interactions entre grains permet de mettre en évidence les mécanismes d'usure d'un point de vue local, elle s'avère trop complexe pour être appliquée à l'ensemble de la voie, au passage d'un train complet. De leur côté, les modélisations les plus simples, utilisables pour de grandes portions de voies, ne permettent pas de rendre compte de ce qui se passe vraiment dans la couche de gravier. De plus, les mesures de vibrations à proximité de la voie se sont révélées être beaucoup plus faibles que ce que prédisaient les calculs. Dans ce contexte, comment modéliser le passage d'un train dans son ensemble, sur plusieurs mètres, voire kilomètres, tout en conservant les spécificités du comportement mécanique du ballast ? Il manquait un « ingrédient » à la modélisation pour parvenir à décrire l'influence du passage d'un train sur l'environnement immédiat de la voie ferrée.
Les chercheurs ont donc proposé un nouveau mécanisme permettant de comprendre pourquoi les vibrations sont plus faibles que prévues lorsque l'on s'éloigne de la voie. Ils n'ont plus considéré le ballast comme un milieu homogène mais comme un milieu hétérogène. Cette fois, modèle mathématique et mesures physiques concordent : ils ont mis en évidence qu'une grande partie de l'énergie introduite par le passage d'un train est piégée dans la couche hétérogène de ballast. Ce phénomène de piégeage, très dépendant de la vitesse du train, pourrait entraîner une dégradation de la couche de ballast, l'énergie fournie par le passage du train se dissipant par frottement des grains entre eux.
Ces travaux donnent donc des pistes pour mieux comprendre le comportement de la plateforme ferroviaire lors du passage d'un train. En permettant de comprendre sur quelles portions de voies le ballast piège le plus d'énergie, ces résultats ouvrent notamment des perspectives pour l'augmentation de la durée de vie des voies de chemin de fer, et la diminution des coûts de maintenance.
Amplitude du champ de déplacement après le passage d'un train sur la voie. La figure de gauche correspond à une simulation avec ballast homogène et celle de droite à une simulation avec ballast hétérogène.
Ballast ferroviaire.
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Notes :
1 Les laboratoires impliqués sont : le Laboratoire de mécanique des sols, structures et matériaux (CNRS/CentraleSupélec) et le laboratoire des sciences de l'Ingénieur, de l'informatique et de l'imagerie (CNRS/Université de Strasbourg/Insa Strasbourg/ENGEES Strasbourg).
Références :
Randomly-fluctuating heterogeneous continuum model of a ballasted railway track. Lucio de Abreu Corrêa, Juan Carlos Quezada, Régis Cottereau, Sofia Costa d'Aguiar, Charles Voivret. 60(5), pp.~845-861, 2017, Computational Mechanics. DOI : 10.1007/s00466-017-1446-8.
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